6.6.13

De Joliot Curie je suis ! // Corps d'écriture // Frères Poussière



Novembre 2008, cité Joliot Curie, Argenteuil. Premier projet mémoriel. Je n'avais jamais entendu parlé jusqu'alors de collecte de "récits de vie". 





Il s'agit là d'un projet commandé et financé par la mairie d'Argenteuil/GIP (95) et mis en place par Anna Sapolsky et l'association Corps d'Ecriture. Pendant plusieurs semaines Anna Sapolsky écoute les habitants de la cité Joliot Curie à Argentueil. Elle écoute, pose des questions précises sur la cité, son histoire et sa géographie, et enregistre. Ensuite tout est retranscrit par écrit. Ce recueil représente un très gros manuscrit qu'Anna confie à la compagnie Frères Poussières (Aubervilliers) pour une restitution théâtrale et à l'association La Raïs pour une restitution musicale. Je fais partie de l'équipe de trois comédiens chargés de lire, choisir, mettre en scène et jouer ces récits. Nous jouerons le 6 décembre lors de la fête du quartier célébrant les 50 ans de la construction de la cité.



Mais pour l'heure, nous sommes dans le théâtre des Frères Poussières au début de l'hiver par un froid glacial. Pas de chauffage, le vent passe sous les portes et tourne dans la salle de répétition... Mais la curiosité est là qui nous pousse à plonger dans ces récits. Pour qui ne connaît pas "la cité", ce recueil est d'une intensité et d'une richesse incroyables, d'un point de vue sociologique mais aussi émotionnel car là, à Joliot Curie, il y a beaucoup de "gueules cassées"... C'était pourtant pas la guerre mais la cité Joliot Curie est née d'une tranchée immense, une carrière où les barres d'immeubles ont poussé à folle allure dès 1958, remplaçant les baraquements de fortune... Puis dans les années 2000 les barres de Joliot Curie ont failli être rasées... Mais après une levée de boucliers, la cité n'a pas été détruite, elle fait même, en 2008 à l'occasion de son cinquantième anniversaire, l'objet d'une réhabilitation. D'où la collecte de récits de vie et notre présence pour une restitution artistique.

_____________________________________________________________________________________________ Comment on restitue ? Pas facile de répondre théâtralement à cette question car les spectateurs seront ceux qui ont témoigné. Ils en savent donc plus long que nous. Comment faire naître des personnages alors que les "modèles" seront là, sous nos yeux ? Et puis que choisir parmi les récits ? Dévoilerons-nous la portée intime de certains témoignages qui vont bien au-delà de l'histoire du quartier ? Nombreux sont les témoignages qui deviennent tentatives de confessions. On devine derrière les anecdotes de quartier les vies difficiles. Nous comprenons qu'une restitution doit valoriser. Nous créons des saynètes sur la vie quotidienne ou l'histoire du quartier. Le texte, ce ne sont que des phrases tirées des récits. Rien d'ajouté ni de transformé. Nous écartons ce qui est trop intime et essayons de créer une voix universelle qui parlerait sans fard de tout. Avec humour et franchise afin que chacun puisse à la fois se reconnaître en particulier et sentir que nous portons publiquement "l'âme" du quartier, qui a besoin qu'on l'entende et la regarde, ô combien !

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Le soir de la représentation, ce n'est pas facile, la scène est au milieu d'un immense  gymnase et nous jouons en même temps qu'on sert le buffet d'anniversaire où tout le monde se jette !! Nous devons attirer l'attention au milieu des bambins qui courent, des jeunes qui discutent, des gens qui entrent et sortent, et du fameux buffet qui occupent beaucoup (mais quelle bonne idée d'avoir mis les deux en même temps... :(  ). Nous sommes sonorisés ce qui théâtralement n'est pas ce qui se fait de mieux. Mais nous défendons nos saynètes, on nous entoure, le public commente "c'est vrai là ce que vous dites" et le final est très réussi. On avait commencé comme du stand up, quelque chose comme des sketches, comme on se représente le théâtre ici, mais avec des dialogues recueillis lors de la collecte. Puis, après les slams chantés par La Raïs, on est allé dans le public pour dire des choses plus intimes aux spectateurs, presque à l'oreille. Et enfin pour le final on a fait une scène d'anniversaire sous les lampions pour fêter les 50 ans de Joliot Curie : là les enfants et les familles nous ont entouré, l'esprit de fête a gagné ! Représentation dure mais réussie ! 




Collecte et pilotage de la restitution artistique : Corps d'Ecriture/Anna Sapolsky

Interprétation théâtrale (pour l'association Frères Poussière) : Elisa Lecuru, Nicolas Fantoli, Delphine Garczynska)
Interprétation musicale (pour l'association La Raïs) : Adrianna Allègue, Mâya Heuse-Defay, Garz

PHOTOS (en cours)